Entrevue avec Erica Stella

 

Érica StellaDu 21 au 26 avril dernier, la directrice de la pédagogie musico-sociale de Jeunes musiciens du monde, Érica Stella, s’est rendue au Mexique à l’invitation de l’État du Jalisco et de la Délégation générale du Québec à Mexico qui priorise ce territoire dans son action, pour présenter le modèle d’intervention de Jeunes musiciens du monde auprès des enfants et des adolescents issus de milieux à risque. Nous l’avons rencontrée pour en apprendre un peu plus sur son voyage.

 

Pourquoi l’État du Jalisco souhaitait en apprendre davantage sur l’approche musico-sociale de Jeunes musiciens du monde?

École du programme ÉcosLe Secrétariat de la Culture de l’État du Jalisco a mis sur pied le programme Ecos qui regroupe près de 70 écoles de musique ayant une vocation similaire à celle de Jeunes musiciens du monde, c’est-à-dire de favoriser le développement d’enfants et d’adolescents issus de milieux à risque au moyen d’activités musicales offertes gratuitement. Depuis la création de leurs écoles, les efforts ont été concentrés sur l’aspect musical. Maintenant, les responsables du programme aimeraient améliorer l’accompagnement social auprès de leurs élèves. Comme Jeunes musiciens du monde a déjà une expertise dans ce domaine, il leur semblait pertinent de nous inviter pour éventuellement développer un partenariat ou échanger entre homologues. En effet, depuis maintenant 5 ans, nous ciblons très spécifiquement l’appartenance sociale, l’estime de soi et l’autonomie des élèves afin que chacun puisse découvrir la force qui le pousse à l’action et qui l’incite à persévérer, et ce, tant au niveau du développement de ses habiletés musicales qu’au niveau de ses habiletés sociales et émotionnelles.

 

Quelles étaient les activités au programme?

Formation des élèves et des professeurs en chantJ’ai participé à une rencontre avec plusieurs intervenants du programme Ecos dont l’objectif était d’apprendre à mieux se connaître. Ils m’ont expliqué comment ils travaillent avec les jeunes et je leur ai fait une présentation sur l’approche pédagogique de Jeunes musiciens du monde. Plusieurs personnes ont participé à cette rencontre: des professeurs, le responsable académique, une chercheuse en sciences sociales qui avait fait une évaluation externe du programme Ecos, le directeur des Affaires bilatérales Québec-Jalisco du Gouvernement du Québec, ainsi que la chef du pupitre Mexique du ministère des Relations internationales et de la Francophonie.

J’ai également eu la chance de visiter cinq écoles autant en milieu urbain qu’en milieu rural. J’ai pu échanger avec des directeurs d’école.

À la fin de mon séjour, j’ai pu assister à un évènement spécial qui regroupait tous les élèves en chant. Lors de celui-ci, les élèves et leurs professeurs avaient des formations. J’y ai vu plein de visages heureux.

 

Quels aspects de l’approche de Jeunes musiciens du monde ont suscité le plus d’intérêt chez les Mexicains?

Cours du programme ÉcosLa personnalisation des cours pour mettre en valeur les forces de chacun et de répondre aux besoins particuliers des élèves autant au niveau musical que social a suscité beaucoup de questions. Ils se demandaient comment ils pourraient eux aussi personnaliser leur approche avec des groupes de huit élèves ou plus. Ce sujet reviendra certainement lors de nos prochains échanges.

Un autre aspect les intéressait particulièrement: le fait que notre approche s’est développée grâce à un travail de coconstruction colossale impliquant des professeurs, des directions d’école et des intervenants sociaux de nos quatre écoles.

 

Quelles ressemblances et quelles différences avez-vous constatées entre l’approche de JMM et celle du programme Ecos?

Rencontre entre les représentant du programme Écos et la représentante de Jeunes musiciens du mondeNous étions de part et d’autre étonnés de constater à quel point nous avons des points en communs. Nous avons des enjeux et des défis semblables. Nous avons également une parenté dans la manière de trouver des solutions créatives aux problèmes auxquels nous devons faire face.

Par contre, l’approche pédagogique de Jeunes musiciens du monde est un peu plus aboutie que celle du programme Ecos. Il pourrait être facile de dire que la musique a beaucoup de vertus, et donc, qu’en donnant des cours de musique, nous faisons déjà quelque chose de bien. Cependant, Jeunes musiciens du monde a décidé de faire un pas de plus et de se servir de la musique pour aider les jeunes à trouver leur motivation intrinsèque et réaliser leurs aspirations. D’ailleurs, toutes nos activités sont construites en ce sens. Nos homologues mexicains sont rendus là eux aussi. Ils se demandent ce qu’ils peuvent faire de plus pour que leur action soit plus ciblée. Dans cette démarche, ils ne consultent pas seulement Jeunes musiciens du monde. Ils s’inspirent notamment de Batuta en Colombie.

 

Est-ce que cette première rencontre avec l’État du Jalisco pourrait déboucher sur une collaboration à long terme?

J’aimerais pouvoir répondre par l’affirmative. Les responsables d’Ecos et moi avons mis sur papier des idées de projets que nous pourrions élaborer et des sujets que nous aimerions approfondir ensemble. La prochaine étape sera de trouver du financement et de s’assurer que les deux organisations seront en mesure de se dégager du temps pour faire ce travail de collaboration. Je suis confiante, car nos échanges étaient prometteurs et riches.

 

Quels bénéfices Jeunes musiciens du monde et ses élèves pourraient tirer d’une telle collaboration?

Je trouve que le fait d’avoir des contacts avec des homologues est très positif pour Jeunes musiciens du monde.

Nous disons que nous voulons que nos élèves appartiennent à quelque chose de plus grand qu’eux et je pense que nos professeurs ont aussi besoin de sentir cela dans leur pratique. Le fait qu’ils pourraient éventuellement avoir des échanges entre les professeurs mexicains et les professeurs québécois et entre les élèves des deux pays que ce soit par voie électronique ou en personne pourrait contribuer à leur ouverture et à sentir qu’ils font partie d’une mission plus grande.

Aussi, de prendre conscience que l’effort rigoureux de coconstruction et de conceptualisation nous a permis de développer une approche pédagogique inspirante qui pourrait devenir une référence internationale, c’est très valorisant et ça nous donne le goût de continuer à avancer.