Entrevue avec Mathieu Gaudreault
Comptines & farandoles est l’un des programmes phares de Jeunes musiciens du monde. Grâce à lui, les jeunes d’âge préscolaire de milieux à risque développent les habiletés essentielles à leur épanouissement. Pour découvrir comment se déroule concrètement un cours et pour en savoir plus sur l’impact de ce programme dans la vie des tout-petits et de leurs familles, nous avons rencontré Mathieu Gaudreault, coordonnateur de Comptines & farandoles à Jeunes musiciens du monde – Montréal.
À quels facteurs environnementaux peuvent être exposés les enfants d’âge préscolaire des milieux à risque?
Celui qui nous vient en tête en premier est évidemment la pauvreté. Il y a aussi le manque de stimulation intellectuelle ou langagière et parfois motrice.
Nous rencontrons également de nouveaux arrivants qui ne connaissent pas encore toutes les ressources disponibles pour eux. Les parents ont parfois du mal à trouver un emploi et à faire reconnaître leurs compétences.
Certains jeunes sont aussi exposés à des pratiques parentales questionnables comme de la violence physique ou verbale ou de la négligence.
Nous sommes aussi en contact des enfants qui ont des neurodivergences non reconnues ou non diagnostiquées (autisme, déficit de l’attention, etc.) et qui n’ont pas toujours accès à un soutien adéquat.
De quelle manière ces facteurs environnementaux peuvent-ils affecter le développement des enfants?
Il faut faire attention lorsque l’on parle de pauvreté pour ne pas tomber dans des clichés! Il y a des gens qui vivent une pauvreté monétaire, mais qui sont très riches intellectuellement et culturellement. Leurs enfants ne manquent aucunement de stimulation.
Par contre, nous rencontrons aussi des jeunes dont les parents sont en mode « survie » à cause de la pauvreté. Dans ce cas, il arrive que les parents manquent de temps et d’énergie pour stimuler leurs enfants. Nous rencontrons donc des enfants qui ont des retards de développement, souvent au niveau du langage. On peut aussi constater des retards dans les autres sphères de développement : affective, cognitive, physique et sociale.
Les jeunes dont les parents ont des pratiques parentales questionnables peuvent éprouver des difficultés à s’adapter socialement.
Où se déroulent les cours de Comptines & farandoles?
Nous allons directement dans les milieux, là où sont les enfants et parfois les parents également. Une très grande partie de nos milieux sont des garderies familiales. Nous avons également beaucoup de partenaires qui sont des organismes communautaires et des haltes-garderies. Il y a quelques bibliothèques aussi.
Décrivez-nous un cours typique de Comptines & farandoles.
Typiquement, un atelier débute toujours avec une chanson d’accueil. Celle-ci permet de prendre un moment avec les enfants pour se dire bonjour et se demander « comment ça va ? » C’est l’occasion pour les jeunes d’exprimer l’état dans lequel ils ou elles se sentent.
Ensuite, on présente le thème de la journée. Par exemple, le thème peut être l’arrivée du printemps, le Grand Nord, un voyage en Asie, la cabane à sucre, les animaux de la forêt, etc. Nous discutons du thème avec les jeunes avant de débuter les activités musicales.
Dans chaque atelier, il y a des jeux « plus intellectuels » pour comprendre les notions du jour, des jeux avec des instruments, des chansons et aussi des jeux plus « physiques » comme des danses ou des jeux de mouvements.
Décrivez-nous quelques activités ludiques du programme Comptines & farandoles.
Si nous prenons le thème du printemps par exemple, les oiseaux qui reviennent du sud sont un bon prétexte pour faire des sons d’oiseaux très doux (lorsqu’on les voit au loin) et de plus en plus fort (lorsque les oiseaux s’approchent de leur nid). Les jeunes apprennent à faire des crescendos! Nous pouvons le faire vocalement dans un premier temps, puis avec des instruments de percussion dans un second temps. L’animateur ou l’animatrice, dans ce cas, utilisera des pictogrammes d’oiseaux et de nids. Les enfants sont invités à faire des sons forts et doux selon la distance entre l’oiseau et le nid.
Une autre activité pourrait être : sur une musique qui commence doucement et va de plus en plus fort (crescendo), nous pourrions faire la « danse de l’ours qui se réveille au printemps ». D’abord les ours sont en petite boule au sol, puis se réveillent et s’étirent, se mettent à quatre pattes, puis tranquillement se lève sur deux pattes, tout en suivant la musique. Plus la musique est douce, plus nous sommes près du sol, plus la musique est forte, plus les enfants s’étirent, se lèvent et tendent les pattes vers le ciel!
Quelles habiletés les activités décrites permettent-elles aux enfants d’acquérir ?
Le jeu du crescendo et des oiseaux travaille les sphères de développement cognitives et langagières. Précédé d’une discussion sur le printemps, on développe le langage des enfants et leurs connaissances générales. Dans cette activité, au départ c’est l’animateur ou l’animatrice qui est le « chef d’orchestre » et manipule les pictogrammes. Dans un second temps, nous donnons la chance aux enfants de devenir des chefs d’orchestre et de diriger le jeu. Ils travaillent alors la sphère de développement dite sociale, car les enfants doivent apprendre la patience, attendre leur tour, respecter les consignes de leurs camarades, etc.
Le jeu de l’ours qui se réveille au printemps travaille aussi le développement cognitif et langagier, mais on y ajoute évidemment un côté physique et beaucoup de plaisir!
Est-il possible de mesurer le progrès des enfants?
Oui ! L’animateur ou l’animatrice est particulièrement bien placé(e) pour voir les progrès. Il ou elle est aux premières loges de tout un spectacle !
Nous demandons à nos professeurs de remplir des fiches pour faire le suivi des bons coups, des choses à améliorer, des progrès. La plupart du temps, au début de l’année, nous pouvons y lire beaucoup de « problèmes ». Typiquement, plus l’année avance, plus nous pouvons y lire de magnifiques « résolutions de problèmes ».
Petite anecdote : j’ai suivi une petite amie autiste pendant trois ans dans mes ateliers. Au début, elle refusait de participer, de s’approcher de nous et des instruments. Puis, petit à petit, elle s’est mise à tourner autour de nous avec curiosité. Éventuellement, elle s’est assise avec nous et a commencé à essayer les instruments. La troisième année, elle faisait tous les jeux ! Elle a eu un cheminement magnifique à travers la musique.
Comment les parents des jeunes élèves perçoivent-ils le programme?
Nous recevons pratiquement que des commentaires positifs ! Les parents qui nous donnent leurs avis sont pour la plupart enchantés que leurs enfants puissent avoir accès à nos ateliers de musique, directement dans leurs milieux. Il y a plein de belles histoires! Les enfants chantent nos chansons à la maison, refont nos jeux, les montrent à leurs parents et deviennent des « professeurs de musique pour une classe de peluches »!
Cette année, à Montréal, nous sommes présents dans 10 quartiers. C’est très touchant de voir que les ateliers sont appréciés partout.
Combien doivent débourser les parents des enfants qui participent aux activités d’éveil musical?
Les cours de Comptines & farandoles sont offerts gratuitement grâce à la contribution de partenaires de confiance dont : la Fondation St-Hubert, le Groupe Jean Coutu et la Banque Nationale. Dans notre école, nous avons également reçu une très grande aide financière de la Ville de Montréal dans le cadre de sa Politique de l’enfant. Nous avons aussi le soutien du programme SIPPE du ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Bref, c’est gratuit pour les enfants et leurs parents!